Culture

Publié le jeudi 31 mars 2022

Cette année, Anne Liégard de l’atelier des Liens de la mémoire a pris en charge deux volumes, dont le manuscrit 223. Celui-ci se compose de traductions du philosophe grec Aristote, réalisées par Nicole Oresme vers 1374. Il s’agit de l’original, revu et corrigé de la main même du traducteur, entré dans les collections du Mont Saint-Michel seulement à partir de 1557. 

  

Pour vous permettre de suivre les travaux effectués sur cet ouvrage, nous vous proposons un avant après, avec une description des principales interventions. L’objectif est de rendre au volume ses fonctions premières en rétablissant ses propriétés mécaniques. À proprement parler, ce n’est donc pas une restauration, mais une mise en état de conservation (ne portant que sur les parties qui le nécessitent absolument). Reprenons ensemble quelques points. 

 

La stabilisation des grignotages 

Dans ce cas, l’objectif est d’éviter des pertes en doublant le parchemin à l’aide de fibres de kozo (très durable, fabriqué à la main, avec fibres longues). Page à page, l’idée n’est donc pas de combler les éléments qui manquent, mais, simplement, d’empêcher que le manuscrit continue de se dégrader.

Découverte d’une claie

Ici, un parchemin de remploi a servi sous la contre-garde. Une fois enlevée, cette claie est conservée à part du registre. Afin de rendre ces quelques lignes déchiffrables, les traces anciennes de colle et de papier ont été minutieusement retirées.  

On sait désormais qu’il existe une autre claie similaire à l’arrière du manuscrit. Toutefois, bien que visible, celle-ci ne peut être extraite sans prendre des risques inutiles. 

Remplacement des claies

Apparaissent alors des claies du XVIIe siècle, en tissu doublé de papier vergé. Celles-ci sont déposées, nettoyées, et restituées, mais remplacées dans l’ouvrage par des claies et soufflets. Cette opération permet de découvrir des traces du passé : 

Si on sait que les manuscrits du Mont ont connu une campagne de reliure par les moines mauristes dans les années 1660, il reste peu d’éléments sur les reliures médiévales qu’ils ont enlevées. Sur cette photographie, on aperçoit les anciens trous de la première couture, probablement contemporaine de l’écriture et, désormais, subsistants dans les entre-nerfs.

Rattacher le premier cahier 

Ce n’était pas prévu, mais le premier cahier se détachait progressivement. Celui-ci a donc été rattaché au second, tout en conservant les fils d’origine et en utilisant les trous de couture qui préexistaient.

La couverture 

Il n’y a que deux manuscrits du Mont qui n’ont pas une couverture en veau brun (comme c’est le cas pour le manuscrit 105). Ils sont alors en plein parchemin et peuvent avoir subi des dégâts similaires au cours du temps. Tant et si bien qu’il convient de consolider le cartonnage et de combler la lacune de la couvrure. 

La consolidation d’une coupure récente 

Bien que peu visible, cette coupure devait être stabilisée en insérant le kozo sous la coupure, afin que la couverture ne se dégrade pas.

Le résultat terminal 

À l’image du travail réalisé sur le manuscrit 105, il faut compter une trentaine d’heures pour un tel résultat. Encore une fois, l’objectif est de se concentrer sur la réparation des éléments qui le nécessitent absolument. Cette prise en charge permet donc au volume de traverser le temps, tout en conservant les traces de son histoire (comme les étiquettes de rangement ou certains trous de vrillettes qui ne présentent aucun danger pour l’intégrité du manuscrit). 

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